Pour Evagre le Pontique (IV siècle), le critère véritable de la maturité est la douceur. Voilà ce qui caractérise maturité humaine et spirituelle.
Le terme allemand « Sanftmut » (douceur) signifie, à proprement parler le « courage de se recueillir ».
Je recueille tout ce qui relève de moi, y compris mes aspects ténébreux. J’ai le courage de tout laisser parvenir à moi et de placer tout cela dans ma relation à Dieu. Cela me rend doux à l’égard de moi-même et à l’égard des autres êtres humains.
Evagre voit dans la douceur l’attitude de Jésus lorsqu’il nous exhorte ainsi : « Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur » (Matthieu, II ,29). La douceur implique un cœur ouvert. Dans un cœur largement ouvert, Dieu peut demeurer, comme le disent les moines. Un cœur ouvert ne juge ni ne tranche. Il est accessible aux humains qui peuvent le pénétrer. Ce qui relève aussi de la maturité, c’est la joie du cœur (hilaritas), l’équanimité et le calme intérieur, la paix, la vivacité et la liberté. Car nous ne sommes pas mûrs une fois pour toutes, mais nous cheminons sans cesse vers une plus grande maturité humaine et spirituelle.
Anselm Grün
Dans la revue Prier, Mars 2011
Catégories: Lu ailleurs | 30/08/2013
La Parole fait l’autre
Ma parole crée l’Autre,
c’est mon pouvoir, c’est ma blessure.
Je peux faire l’Autre
comme on fait des garnisons,
des disciples ou des fidèles,
tous bien alignés dans mes systèmes.
Je peux faire l’Autre
comme on fait des exclus, des marginaux,
des murs et des cloisons,
contre qui j’appellerai les flics et les prisons.
Ma parole peut faire aussi l’Autre
comme un homme.
Mais alors, dès que je l’ai reconnu
il se lève, debout,
et marche libre.
Je crée l’Autre,
mais c’est lui qui me fait exister,
car la relation est toujours
une Parole dépossédée.
Croirai – je jamais assez
que la Parole de l’autre
puisse me construire ?
Dans la parole, nous sommes trois,
toi qui me parles,
moi qui t’écoute,
et la Parole, qui est aussi Quelqu’un.
Jean DEBRUYNNE
Catégories: Lu ailleurs | 28/08/2013
Dans l’azur de l’été finissant,
les oiseaux s’élancent vers l’infini,
frêles et folâtres
ambassadeurs de la joie céleste
moineaux, merles et rossignols,
voilà les passereaux, petits oiseaux qui,
ayant échappé au filet du chasseur (Ps 1233,7) volent, intimidés,
derrière le Seigneur qui les sauve et les conduit.
Sois loué, Seigneur, pour les passereaux qui chantent la joie
d’être connus et aimés de notre Père.
Belle entre toutes,
la blanche colombe
est toute douceur.
Offrande réservée aux pauvres (Lv 12,8),
elle devient signe de la pauvreté, de la gratuité
et, finalement de la remise de soi entre les mains du Créateur.
Job, le croyant fidèle,
ayant recouvré sa richesse,
appela sa première fille Colombe (Jb 42,14),
du nom de celle qui chante
le retour de la vie comme après le déluge.
Sois loué, Seigneur, pour la colombe, notre soeur,
qui nous apprend le chant de la terre nouvelle!
Elle pépie, s’élance et virevolte, la joyeuse hirondelle.
Il est temps de partir, au loin,
pour retrouver, malgré l’incertitude du voyage,
le nid laissé au-delà des mers.
Jérémie désespère d’Israël:
l’hirondelle et la grue connaissent le temps de leur migration,
mais mon peuple ne connaît pas le droit du Seigneur. (Jr 8,7)
Fidèle hirondelle qui a placé son nid
sur tes autels, Seigneur de l’univers (Ps 83,4)!
Béni sois-tu, Seigneur, pour l’hirondelle notre soeur,
qui nous montre, à tire-d’aile, qu’il faut choisir
d’habiter la maison du Seigneur,
tous les jours de [notre] vie (Ps 26,4).
Bénédicte Ducatel
Magnificat août 2013
Catégories: Agenda, Lu ailleurs, Non classé | 26/08/2013
Mémé Rose avec sa robe noire et ses cheveux qui n’avaient pas blanchi, montés en chignon. C’était une maitresse – femme avec tout plein de discernement et de dons. Elle ne savait ni lire ni écrire, mais elle soignait avec ses mains et ses prières, toutes récitées en catalan.
Des jeunes et des moins jeunes venaient pour qu’elle remette droit des membres foulés : je la revois fabriquer un emplâtre avec du coton, un blanc d’œuf monté en neige et quelques pincées d’encens.. je l’ai même vu s’occuper de brûlures et quand je lui demandais ce qu’elle faisait, elle répondait en affirmant que c’est Dieu qui guérit.
Elle avait reçu ce don de son père, là-haut dans les hauteurs de Mantêt, un village haut perché et qui, à cette époque, ne possédait aucune route pour se rendre de Py jusque dans les maisons de ce village.. et donc, aucun médecin ne s’y rendait… mais, les gens d’alors s’organisaient au mieux et mémé Rose se souvenait de ce qu’elle avait appris là-haut dans les Pyrénées, avec les siens.
On pourrait penser qu’elle faisait office de « rebouteuse » pour ceux qui venaient la trouver.. et, lorsque j’étais adolescente, c’était quelque chose que je n’appréciais guère.. mais, elle, notre Mémé Rose, nous l’aimions beaucoup..
Pourtant, ce qu’elle faisait, c’était des massages et surtout des prières.. remettre droites des chevilles foulées, ou des épaules démontées et les jeunes joueurs de rugby venaient la trouver et ils lui obéissaient.
Je me souviens qu’elle leur demandait leur prénom et elle les invitait à prier avec elle le Notre Père et les assurait de sa prière.. ce que je savais, c’est qu’ensuite tous étaient remis de leurs foulures..
Plus tard, j’appris d’elle en quoi consistait ce don.. un don de Dieu, transmis par son père et qui ne demandait pour elle aucun bénéfice, aucun cadeau… elle se contentait de prier en catalan pour la personne qui s’adressait à elle :
« Deus d’Abraham, d’Isaac e de Jacob
Que tut el mal que sige aqui s’embadge de quel lloc
E que la Santissima Trinita face mas que jo »
Une très belle prière : « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, Que tout le mal qui se trouve ici parte de ce lieu Et que la Sainte Trinité fasse plus que je ne peux faire moi-même. »
Sr Andrée Gaspard – sfb
Catégories: Lu ailleurs | 23/08/2013
Sermon du Père Noailles sur la Vierge Marie (Source 6)
On vous a souvent parlé de la Sainte‐Vierge et l’on s’est plu à vous retracer les vertus qu’elle a pratiquées ; tantôt, on vous parle de sa pureté, tantôt de son humilité, de son obéissance…
Quelles beautés n’éclatent pas dans toute sa vie ? Mais après avoir considéré les fleurs qui embellissent un jardin, après avoir considéré les eaux qui serpentent autour de ces plantes et qui répandent autour d’elles la vie et la fraîcheur, on aime à remonter vers la source bienfaisante qui nourrit et fortifie ces fleurs….
Après avoir donc considéré les vertus de la Sainte Vierge, remontons aujourd’hui vers la source qui les alimenta : entrons dans l’intérieur de Marie, dans cette fontaine mystérieuse que la main du Seigneur a creusée.
Quelle est cette source si abondante ? C’est l’amour de Marie : c’est là, dit l’Esprit Saint, qu’est la fontaine des jardins dont vous avez admiré les fleurs et les fruits. L’amour de Marie, semblable à une fontaine qui fournit des eaux en abondance, croît sans cesse : il se divise et il se multiplie. Nous le verrons d’abord se diriger vers Dieu, son Père.
Bientôt l’amour filial ne suffit pas, il faut que son coeur ouvre une autre voie pour donner cours aux nouveaux sentiments qui l’oppressent ; devenue amante, épouse du Saint Esprit, elle se remplit de l’amour conjugal.
Mais elle suffit à tout cela ; que dis‐je, elle surabonde encore d’amour, et pour remplir ses voeux, il faut qu’elle devienne mère.
• Amour paternel – amour de Dieu le Père pour Marie sa fille – Immaculée Conception comblée de grâces et de faveurs.
• Amour filial de Marie : amour respectueux – amour assidu – amour généreux
• Amour conjugal : désirs – amour – Annonciation
• Amour maternel : durant sa grossesse – pendant la vie de son Fils – à la mort de son Fils
Et nous, qu’en vivons‐nous de cet amour ?
Enfin elle meurt parce que son amour ne peut être contenu dans un corps mortel… Son âme comme un torrent de feu brise les liens qui la retiennent et va se perdre dans le sein de l’Éternité.
Catégories: Lu ailleurs | 22/08/2013
Prière à celui qui marche
Je serai pèlerin. Je marcherai.
Je marcherai sous le soleil trop lourd,
Sous la pluie à verse
Et dans la tourmente.
En marchant, le soleil
réchauffera mon cœur de pierre
la pluie fera de mes déserts un jardin.
A force d’user mes chaussures,
j’userai mes habitudes.
Je marcherai,
et ma marche sera démarche.
J’irai moins au bout de la route
qu’au bout de moi-même.
Je serai pèlerin.
Je ne partirai pas seulement en voyage,
je deviendrai moi-même un voyage,
un vrai pèlerinage.
Texte de Jean Debruynne, trouvé à l’Église de Manciet
Catégories: Lu ailleurs | 21/08/2013
Boire à la source qui murmure en nous
La source de l’Ecriture est ce qui parle dans l’esprit de l’homme. Dans l’esprit de l’auteur comme dans l’esprit du lecteur. Ecrire ou vivre en vérité, c’est boire à la source qui murmure en nous : la parole. La source est empoisonnée dès lors que la manière d’écrire ou de lire n’introduit plus l’homme à l’écoute de la vérité qui parle et prétend faire parler la lettre morte (…)
L’eau jaillissante de la parole est à redécouvrir, jour après jour, dans l’interprétation du discours à la lumière du discernement, entre vérité et mensonge. A la douceur de la vérité, le discours doucereux du menteur substitue la violence. Il trouble l’eau de la source où l’homme s’abreuve. Il met en doute le fait de l’esprit : que la vérité parle, quand il se tourne vers ce qui lui donne la vie.
Denis Vasse (sj)
Catégories: Lu ailleurs | 19/08/2013
Dieu se repose en l’homme
La création du monde est totalement terminée quand l’homme est là, qui porte en lui le pouvoir sur tous les êtres vivants, qui récapitule dans son corps l’univers et reflète la beauté de toute la création.
Trouvons alors le repos comme Dieu se reposa, après tout l’ouvrage qu’il avait fait (Gn. 2,2). Il reposa à l’intérieur de l’homme, dans son esprit et dans sa volonté, car il avait crée l’homme doté de la raison et fait selon son image, un être qui cherche ce qui est bon, tendu vers les dons gratuits de l’amour de Dieu.
Je remercie le Seigneur, notre Dieu, qui a crée un tel être dans lequel il pouvait se reposer. Le ciel, il l’a créé, mais je ne lis pas qu’il s’y reposait.
La terre, il l’a créée, mais je ne lis pas qu’il s’y reposait.
Le soleil et la lune et les étoiles, il les a créés, là non plus, je ne lis pas qu’il s’y reposait.
Mais je lis qu’il a créé l’homme et qu’il s’y reposait, puisqu’il avait en lui une créature à laquelle il pouvait pardonner les péchés.
Saint Ambroise de Milan
Catégories: Lu ailleurs | 16/08/2013
L’immensité de Dieu
Il est un Dieu ; les herbes de la vallée et les cèdres des montagnes le bénissent, l’insecte bourdonne ses louanges, l’éléphant le salue au lever du jour, l’oiseau le chante dans le feuillage, la foudre fait éclater sa puissance, et l’océan déclare son immensité.
L’homme seul a dit : il n’y a point de Dieu. Tandis que vous admirez ce soleil, qui se plonge sous la voute de l’occident, un autre observateur le regarde sortir des régions de l’aurore. Par quelle inconcevable magie, ce vieil astre qui s’endort fatigué et brulant dans la poudre du soir est-il, en ce moment même, ce jeune astre qui s’éveille humide de rosée, dans les voiles blanchissants de l’aube ?
A chaque moment de la journée, le soleil se lève, brille à son zénith, et se couche sur le monde ; ou plutôt nos sens nous abusent, et il n’y a ni orient, ni midi, ni occident vrai. Tout se réduit en un point fixe, d’où le flambeau du jour fait éclater à la fois trois lumières en une seule substance. Cette triple splendeur est peut-être ce que la nature a de plus beau, car, en nous donnant l’idée de la perpétuelle magnificence, et de la toute puissance de Dieu, elle nous montre aussi une image éclatante de sa glorieuse Trinité.
François René de Chateaubriand.
Le Génie du Christianisme
Catégories: Foi et vision cosmologique | 12/08/2013
Je crois qu’il faut réaliser que pour partir, il est primordial de bien connaitre le point de départ. Or, ma terre catalane, ma terre familiale, ma terre colorée et dominée par le Canigou et par ses plages de sable, ma terre méditerranéenne, les montagnes Pyrénées, c’est bien cela le point de départ de ce que seront ensuite mes voyages à travers le monde.
Qu’est- ce que je retiens de tous ces voyages ? Chacun d’eux-je crois- n’était pas autre chose que des voyages faits pour révéler à tous ceux que je rencontrais une nouvelle formidable : « Dieu t’aime »
J’ai vécu tous ces voyages comme on découvre des perles, parfois avec aussi difficultés et fatigues ; mais j’ai toujours compris que c’était la route qui m’était offerte pour vivre et pour laisser s’exprimer toutes les possibilités d’une vie donnée , dans la complexité d’une vie communautaire avec d’autres pour tisser ensemble un tissu où éclate l’évangile et la présence du Ressuscité…
Pourtant, ce que je retiens de cette relecture des grands voyages, ce n’est pas une question de volonté ou de service mais bien plutôt une question d’un goût de la vie, j’oserai même dire une passion et un émerveillement pour ce qui est vivant. Avec l’âge, je perçois cela comme une force intérieure qui me tient debout, au-delà des difficultés corporelles et qui me permet de vibrer à tout ce qui est chemin de la vie.
Je crois que comme Jean le Baptiste, j’ai à accepter la modestie de ces pèlerinages d’une communauté Sainte Famille à une autre. Il est sûr que j’ai voulu témoigner de l’essentiel de toute vie et je l’ai fait sans histoire, en aimant cette mission et en essayant d’être vraie, en voulant écouter et appuyer le témoignage des sœurs sur place. Je n’ai jamais voulu majorer mon action personnelle mais l’insérer dans le témoignage des autres, comme membre d’une famille spirituelle qui est devenue ‘ ma famille’.
Je remercie Dieu et aussi les responsables de ma congrégation qui ont su me faire confiance.. pour que je puisse donner le meilleur de moi-même.. et devenir « proche » de tellement de personnes.
J’ai dit je crois que j’étais en voyage, je crois plus juste de dire que plus que des voyages, mes itinéraires d’un continent à un autre, c’étaient des pèlerinages… Ces longues pérégrinations plusieurs fois répétées ont confirmé en moi la mission à laquelle j’ai été appelée : veiller à ce que le désir de Dieu sur toute personne ne soit pas étouffé par des réponses toutes faites, fussent-elles pieuses.
J’ai tout fait pour aider les autres à découvrir, s’il le souhaitait, le secret de leur vie. C’est ce que j’avais noté, à Manrèse, lors d’une retraite en écrivant ce texte « Les pierres ont leur secret ! »:
Les pierres ont leur secret !
Des pierres ordinaires sur lesquelles nous marchons
Des gens ordinaires avec qui nous avançons.
Or, ces pierres et ces gens ont leur secret
J’ai ramassé une pierre, une autre,
chacune a sa couleur, sa teinte, sa particularité.
Là, sous nos pas, dans la forêt
chaque pierre parle de la lente évolution de la terre.
De même, pour cette foule de gens que je côtoie,
en ville, dans le bus, le métro, dans chacun de mes voyages.
Chacun est unique, chacun a son secret.
Toute une histoire, celle de l’humanité
Manrèse – Paris Juillet 1993 et relu en 2013
Catégories: Lu ailleurs | 1/08/2013