Il faut surtout se souvenir en ces choses, qu’il y a des âmes de tempéraments divers. Il y a des âmes si peu portées à l’action, qu’elles succombent aussitôt qu’elles se trouvent en face d’une tâche qui s’impose à elles ; et d’autres sont si agitées qu’elles ne peuvent supporter un seul moment d’être inoccupées.
Il faut donc que les âmes qui aiment la tranquillité ne s’efforcent point d’arriver à une activité débordante, ni que les âmes agitées ne se contraignent pas d’une façon excessive pour arriver à la contemplation.
Souvent il est arrivé que ceux qui pouvaient dans la paix arriver à la contemplation ont succombé sous des occupations excessives, et ceux qui pouvaient se rendre utiles par le travail ont été tués par le repos.
Et il est arrivé que, dans leurs spéculations, des esprits inquiets voulant posséder plus qu’ils ne pouvaient contenir, ont abouti à des conceptions perverses ; et au lieu d’être des disciples de la vérité, se sont fait des maîtres de l’erreur…
Les deux vies, l’active et la contemplative, bien unies dans une âme, sont comme les deux yeux dans le visage : elles se prêtent un mutuel concours. »
Pour pénétrer dans ce monde de la misère, il y a des étapes, il faut savoir s’arrêter devant le misérable, le regarder, I’écouter et finalement le toucher. II y a toute une gamme de nuances dans les attitudes à l’égard de la personne blessée,
Celui qui passe, comme le lévite el le prêtre, devant l’homme roué de coups, affalé par terre: il ne voit pas la détresse. Il ne ‘arrête pas.
Celui qui s’arrête devant le misérable, qui donne peut-être quelque chose, mais sans regarder le visage, sans rencontrer les yeux de l’autre.
Celui qui s’arrête et regarde le visage de l’autre mais il parle tout le temps, il dit ce qu’il faut faire … II n’écoute pas, il ne le touche pas.
Celui qui s’arrête, qui regarde le pauvre et qui n’a pas peur de lui parler et de l’écouter dans ses besoins profonds.
Celui qui s’arrête, qui regarde, qui écoute et qui n’a pas peur de s’engager et de toucher l’autre, de le prendre dans ses bras: il le porte dans l’espérance de le voir guérir et ressusciter.
Entre l’arrêt et le regard on peut encore reculer. Entre le regard et I’écoute, on peut encore fuir. Mais l’arrêt conduit normalement au regard, le regard à l’écoute et l’écoute au toucher…
La communion se réalise dans le toucher; et toute la compassion consiste à porter l’autre en soi, à le porter dans son cœur et dans ses bras.
Jean VANIER, Ouvre mes bras, Paris, Fleurus, 1973, p.73-74
“Le nom de prochain est un nom de relation, dit St Augustin, et nous ne pouvons être proches que de quelqu’un qui est proche de nous. » « Et ce qui nous rapproche le plus, dit St Ambroise, ce n’est pas la parenté, mais la miséricorde. »
« L’huile, c’est la consolation que donne l’espérance du pardon. »
« Le vin c’est l’encouragement à agir en esprit de ferveur. » (St Augustin)
« Le vin nous représente l’âpreté de la pénitence, l’huile la piété avec ses douceurs, qui doivent, celle-là guérir ce qui était corrompu, celle-ci fortifier ce qui était faible. Il faut donc dans le traitement du péché, mêler la douceur à la sévérité et les tempérer l’une par l’autre, afin de ne pas conduire à l’exaspération par une excessive sévérité, ou au relâchement par une trop grande douceur. »
« Il faut, à celui qui est appelé à guérir les âmes malades, de l’amour, mais un amour qui n’amollisse pas, de la fermeté, mais une fermeté qui n’irrite pas, du zèle, mais un zèle exempt de dureté. »
« Et il faut que les pénitents, qui ont vraiment souci de leur guérison, cherchent les médecins qui mettent sur leurs blessures le vin aussi bien que l’huile. » (St . Grégoire)
“Écoute, mon fils, l’enseignement du maître, ouvre l’oreille de ton cœur. Accepte volontiers les conseils d’un père qui t’aime et fais vraiment tout ce qu’il te dit. En travaillant ainsi à obéir tu reviendras vers Dieu. ” (Prologue de la Règle v.1, 1-2).
Comme pour le Serviteur chez Isaïe, lui-même image prophétique du Christ : « La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille comme celui qui se laisse instruire. Le Seigneur m’a ouvert l’oreille… ». (Is 50,4-5 ; Ps 40(39),7 ; Heb 10,5 ss).
Le cœur, au sens biblique, c’est à dire notre être profond, est le lieu de l’engagement et de tout combat. C’est sur lui qu’il faut veiller car c’est de lui que jaillissent les sources de la vie. L’écoute est un cœur à cœur qui aboutit à la conversion par la voie de la conversation.
Quand nous l’écoutons, l’Ecriture devient Parole de vie qui nous est adressée personnellement par Dieu :« Laissons la voix puissante de Dieu frapper nos oreilles et écoutons ce qu’elle nous dit. Tous les jours elle nous crie : « Si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur ! » PS 95 (94,8)…
Nous écoutons la Parole de Dieu dans la liturgie et dans la lectio divina seul ou en groupe. Nous écoutons Dieu aussi dans les événements à la lumière de sa Parole. Nous écoutons Dieu dans les inspirations intérieures de l’Esprit Saint. Par exemple : « La prière doit être courte et pure sauf si Dieu dans sa bonté nous fait sentir que nous devons prier plus longtemps » (Règle 20,4)…
« Dieu nous parle dans l’aujourd’hui de notre vie mais nombre de nos contemporains manquent de temps et de méthode pour se mettre véritablement à son écoute. Et pourtant la soif d’une parole qui nous est personnellement adressée est grande dans notre monde où trop souvent l’individu est renvoyé à sa solitude. » (Mgr Gérard Daucourt)…
L’ouverture du cœur, selon toute la tradition monastique, est importante pour le chemin de conversion. Le cœur de l’homme est le lieu le plus riche et le plus sombre, le lieu où tout ce qu’il vit se répercute et oriente son agir. Il faut faire venir à la lumière tout un monde connu et inconnu, décrypter ces passions bonnes ou mauvaises…
Laissons remonter le désir le plus profond qui nous habite. « Qui veut la vie ? Qui désire le bonheur ? Tel est l’appel que le Seigneur lance à la foule pour y trouver son ouvrier? Si tu entends cet appel et si tu réponds : Moi, Dieu te dit : « Est-ce que tu veux la vraie vie, la vie qui dure toujours ? » (Prologue v.14-17).
En Isaïe, Dieu a cette formule lapidaire : « Écoutez et vous vivrez. » (Is 55). Et Jésus énoncera cette béatitude : « Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l’observent » (Luc 11,28).
Ces envoyés qui prennent la route «pour la première fois» sont des hommes sous urgence.
Jésus les a chargés de délivrance: il leur a donné «autorité sur les esprits mauvais», il sont porteurs des guérisons les plus radicales. Ils annoncent qu’un monde nouveau est imminent et qu’il faut se convertir, on dirait aujourd’hui «renverser la vapeur», tout revoir de fond en comble, s’apercevoir qu’on s’est trompé et que la vie, c’est autre chose … Une entreprise de subversion des profondeurs de I’homme et de 1’existence. Pour libérer une humanité «autre»: celle de Dieu, peut-être, toujours en mal de naître …
Ces hommes allégés de tout ce qui sépare les hommes, ces «hommes ensemble» partis vers les autres hommes, jugeaient tout proche sans doute 1’avènement de ce monde nouveau. Savaient-il qu’ils partaient pour vingt siècles déjà, vers les extrémités indiscernables du monde et de l’histoire?
(G. BESSIÈRE. Jésus insaisissable, Épiphanie, Paris. Cerf. 1974. p.62-63)
« Dieu avait annoncé par ses Prophètes que la prédication de l’Evangile se ferait non seulement à Israël, mais à tous les peuples de la terre. C’est pourquoi après l’élection des Apôtres qui étaient d’abord pour les douze tribus d’Israël, il choisit ces soixante-douze disciples. »
« Déjà dans les livres de Moïse, nous avions rencontré un nombre semblable : sur l’ordre de Dieu, Moïse avait choisi soixante-douze juges à qui Dieu départit son esprit. Et ailleurs nous avons une figure des douze et des soixante-douze. Ils vinrent, dit l’Exode parlant des enfants d’Israël, en un lieu nommé Klim, (qui signifie montée ou accroissement), et il y avait là douze fontaines et soixante-douze palmiers.
N’y a-t-il pas là l’annonce des douze Apôtres et des soixante-douze disciples qui nous aident à recevoir notre accroissement spirituel. Nous recevons de ces fontaines sacrées des douze toute sorte de biens ; et nous pouvons assimiler les disciples aux palmiers, à ces palmiers dont la moelle est si savoureuse, les fruits si abondants, la racine si ferme, la stature si haute, et qui se plaisent au bord des eaux. » (St Cyrille)
Ce nombre de soixante-douze répondait aux soixante-douze peuples que l’Ecriture nous montre issus des enfants de Noé. (Bède)
« Si nous multiplions par trois, le nombre des personnes de la Ste Trinité, le chiffre vingt-quatre qui est celui des heures qu’il faut au soleil pour répandre sa lumière dans tout l’univers, nous aurons ce nombre de soixante-douze : c’est par ces soixante-douze disciples que l’univers aura la connaissance du mystère des trois personnes divines. » (St Augustin)
Ma vie n’est qu’un instant, une heure passagère Ma vie n’est qu’un seul jour qui m’échappe et qui fuit Tu le sais, ô mon Dieu! pour t’aimer sur la terre Je n’ai rien qu’aujourd’hui ! …
Oh ! je t ‘aime, Jésus! vers toi mon âme aspire Pour un jour seulement reste mon doux appui. Viens régner dans mon coeur, donne-moi ton sourire Rien que pour aujourd’hui l
Que m’importe, Seigneur, si l’avenir est sombre? Te prier pour demain, non je ne le puis… Conserve mon coeur pur, couvre-moi de ton ombre Rien que pour aujourd’hui.
Si je songe à demain, je crains mon inconstance Je sens naître en mon coeur la tristesse et l’ennui. Mais je veux bien, mon Dieu, l’épreuve, la souffrance Rien que pour aujourd’hui…
Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus Extrait de ” Mon Chant d’Aujourd’hui” PN 5 Oeuvres complètes DDB 1992 p 645
Je n’ai pas la prétention de vouloir vous offrir une flore complète de Martillac, ce qui demanderait beaucoup de soins, de travail, d’études, de recherches; je veux seulement réunir dans ces pages les plantes les plus connues, celles que j’ai vu croître et fleurir en ces lieux ; quelques – unes peut-être n’existent plus, elle ont été remplacées par d’autres qui auront elles-mêmes un pareil sort; aussi je citerai les plus ordinaires, celles que tout le monde peut voir, admirer et peut-être même mépriser, mais qui n’en sont pas moins toutes utiles et nécessaires dans les desseins de Celui qui se plut à créer les cèdres du Liban aussi bien que les mousses de no guérets….
Quand on considère leur variété, la diversité de leurs formes, l’éclat de leurs couleurs, les parfums qu’eIles exhalent, la délicatesse, le fini de leurs traits, de leurs nuances, cette perfection qui se trouve en chacune d’elle, il est impossible de ne pas s’écrier: Seigneur, que vous êtes bon et admirable dans vos œuvres!
Vous avez voulu par cet ensemble merveilleux de fleurs si différentes, si multiples, si belles chacune dans son genre, forcer notre admiration à vous rendre nos hommages.
Chaque fleur ne m’est-elle pas une invitation à vous louer, à vous bénir? Chaque fleur ne m’enseigne-t-elle pas une leçon, une prière?… C’est ce qui m’a fait composer cette louange qui doit toujours être sur nos lèvres comme dans notre coeur:
Seigneur, soyez loué et béni dans vos oeuvres!
Mère Emmanuel Bonnat (1803-1882 Sainte-Famille de Bordeaux