La Passion du Seigneur
Entrée du Roi à Jérusalem
Oui, c’est bien le Roi qui entre à Jérusalem sous les acclamations : « Béni soit Celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » Lc 19,38. Au cœur de la louange des disciples en masse, la « paix » et la « gloire » viennent rappeler au lecteur le chant de l’armée céleste en masse (2, 14) et celui des bergers (2, 20) à la naissance du Sauveur (2, 11) dans la ville de David. Où sont les habitants de Jérusalem? L’évangéliste n’en dit rien, peut-être pour souligner leur manque d’accueil au Messie Roi. Dans une scène qui fait écho à celle de Lc 13, 34-35, Jésus pleure sur Jérusalem qui n’a pas reconnu le temps où elle a été visité (19, 44).
Le repas de la Pâque
« J’ai désiré d’un grand désir… » C’est Jésus qui prend l’initiative du repas et de ses préparatifs. Un désir l’habite : manger la Pâque avec ses apôtres avant de souffrir. La prochaine Pâque aura lieu au-delà de la mort, dans le Royaume de Dieu. Depuis le début de l’évangile – à la synagogue de Nazareth (D4/5) Jésus s’est dit l’Envoyé de Dieu – Il proclame la libération et la réalise auprès des foules, des pauvres, des malades. En Lc 22,15.18 qui lui sont propres, Luc souligne ce thème de la venue du Règne de Dieu ; avec lui, viendra la libération définitive. Lors du repas, Jésus livre un discours d’adieu. Il appelle ses apôtres au service (22, 26). A travers ce message, Luc s’adresse sans doute aux communautés de son temps rassemblées pour la fraction du pain (Lc 24, 30 ; Ac 2, 42) autour du Christ Ressuscité.
Au mont des Oliviers
« Priez pour ne pas tomber au pouvoir de la tentation ».(22,40) Après le dernier repas, Jésus se rend au mont des Oliviers et ses disciples le suivent. Jésus se sépare d’eux, mais les oriente vers Dieu. La Passion s’annonce, elle sera pour les disciples une tentation, une épreuve pour la foi. Jésus a été tenté par le diable au désert (4, 1-13) au début de sa mission. Cette mission, les apôtres et en particulier Pierre en seront les héritiers. La prière est au cœur de la vie de Jésus. De même il les exhorte à prier : qu’ils demandent à Dieu force et fidélité pour traverser l’épreuve. Dans l’échange entre Jésus et son Père, vient d’abord la demande de Jésus puis son acceptation. La réponse silencieuse du Père se manifeste par l’assistance d’un ange (22,43). Cette mention est propre à Luc.
Arrestation
« C’est maintenant l’heure et le pouvoir des ténèbres » (22,53). Tandis que la Pâque se prépare, le complot contre Jésus se noue peu à peu. Au moment favorable Satan entre en Judas (22,1-6). Au cours du repas, Jésus annonce la trahison de l’un des Douze (22,21-23). Au moment de l’arrestation, l’évangéliste nous montre un Jésus qui se laisse saisir, emmener. Les disciples ne sont plus nommés : Jésus est seul. Luc souligne aussi l’autorité de Jésus et sa miséricorde : il adresse la parole à Judas (v.48), il guérit l’oreille du serviteur du Grand Prêtre (v.51) ; comme il l’a depuis toujours enseigné, Jésus fait du bien à ceux qui le haïssent (Lc 6,27)
L’innocent condamné
« Je ne trouve rien qui mérite condamnation en cet homme » (23,4) Jésus comparaît trois fois devant une autorité civile : chez Pilate et Hérode. Jésus est accusé de semer le trouble dans la nation juive, incite à ne pas payer le tribut à César et se dit être Messie roi, il soulève le peuple. Chez Hérode, Jésus est accusé et moqué. Luc souligne par trois fois l’innocence de Jésus. Le peuple apparaît progressivement dans le récit. A l’occasion de ce procès, Luc mentionne la réconciliation de Pilate et Hérode. Les deux instances judiciaires semblent se mettre d’accord pour reconnaître, l’une explicitement et l’autre implicitement, l’innocence de Jésus.
Sur le chemin du Calvaire avec les femmes de Jérusalem
« Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants »( 23,27) De façon anticipée, les femmes font retentir la lamentation funèbre sur le condamné à mort. Jésus recommande à ces filles de Jérusalem de se prendre elles-mêmes comme objets de lamentation : bientôt l’on dira bienheureuses les femmes qui n’auront pas eu d’enfants ! Etonnant, dans une société où la stérilité était perçue comme une malédiction. Cette béatitude est à mettre en parallèle avec le malheur exprimé en Lc 21,23 : le siège de Jérusalem. Jésus termine par une sentence (v. 31) : si un malheur tel que la crucifixion advient à l’envoyé innocent, qu’en sera-t-il de ceux qui le livrent au supplice . Jésus se compare à du bois vert (23,31) ; il est le fondement et point de départ du salut. Au Calvaire Lc 23, 33-43
Au Calvaire
« Père, pardonne-leur… » (23,34) Les trois croix sont dressées. Jésus est crucifié entre deux malfaiteurs. Les chefs ricanent, les soldats se moquent, l’un des malfaiteurs l’insulte. C’est le moment de la tentation ultime et le lecteur retrouve les accents des tentations au désert : « Si tu es… ». Il est question de l’identité de Jésus « Messie » (v.35 et 39), « Elu » (v.35), « Roi des Juifs » (v.37-38). « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (23,34) Ces mots de Jésus font écho au premier discours à Nazara où il annonçait aux captifs la libération, la remise de dette, le pardon. (4, 18-19). Sur la croix, Jésus porte à sa plénitude sa mission de libérateur. Luc fait à nouveau entendre l’aujourd’hui du salut (Lc 2,11) : le bon larron devient le premier à entrer au Paradis « aujourd’hui » La mort de Jésus Lc 23,44-56 «
La mort de Jésus
« Père, entre tes mains, je remets mon Esprit. » « L’inimitié dont Jésus est l’objet met en relief sa confiance et son abandon à la tendresse de Dieu et permet à la foule des témoins de découvrir leur propre faute (…) C’est au moment où les ténèbres s’abattent sur la terre (23,44), que le récit de Luc multiplie le vocabulaire du « voir » (…) ce voir a changé de nature, Jésus s’offre désormais à la contemplation, à la reconnaissance de tous ». (J.N Aletti)  Survient Joseph d’Arimathée, et avec lui, le thème de « l’inattendu de Dieu » cher à Luc : « il attendait le Règne de Dieu ». (23,51)
D’après Cahiers Evangile 137  J.N Aletti
L’art de raconter Jésus Christ
de Luc L. Barlet et C.Guillermin