« Aimez vos ennemis »
Répondre au mal par le bien
La parole de Jésus en Matthieu reprend donc ces fondamentaux de la loi du Talion. Le principe de non-violence vient affirmer ce refus d’entrer dans une logique de vengeance. Cette dernière ne correspond pas à l’ordre du Royaume des cieux. Au contraire, Jésus invite à répondre à la violence par un acte pacifiant et bien plus signifiant, voire des plus subversifs à l’ordre mondain.
Ainsi le refus absolu de la vengeance s’exprime de manière imagée par cette demande de tendre l’autre joue après une gifle injurieuse. C’est-à-dire à répondre au mal par le bien, à donner ce qu’il y a de plus précieux comme son propre manteau. Il ne s’agit pas de ne rien faire ou de laisser faire, mais d’agir pour exprimer, face au mal, le bien, cette bonté qui vient de Dieu.
Bien plus, ici l’évocation de la gifle, du manteau puis du procès nous renvoie à la Passion même de Jésus qui manifestera au monde la force bienfaitrice de Dieu contre le Mal et la haine. La dernière évocation de la Loi par Jésus poursuit cette idée : à l’amour du prochain et à la haine de l’ennemi se substituent l’amour des ennemis.
Le sens théologal de la Loi
Jésus vient révéler le sens profond de la Loi qu’il donnera pleinement à voir lors de sa Passion. L’agir du croyant est ainsi à l’image de l’agir de Dieu qui persiste à faire lever son soleil sur les bons – et même oh horreur ! – sur les méchants, comme le disciple brille aux yeux du monde, telle une lampe, telle la saveur d’un sel (Mt 5,13-14). Ramener l’humanité au bien, au bon… à Dieu, tel est le sens théologal de la Loi, loin du désir d’une justice vengeresse.
Pour Jésus, la visée de la Loi consiste à faire naître les disciples en vrais « fils » du Père, d’entrer avec le Seigneur dans une relation filiale et avec le monde dans une relation fraternelle sans mesure.
Dans ce chapitre de l’évangile de Matthieu (Mt 5), la Parole de Jésus fait entendre bien plus qu’une interprétation de la Loi de Moïse. Jésus se présente comme celui qui lui donne sens et lui donnera sens par sa vie donnée à la croix en y révélant ainsi le vrai visage du Père, “Notre Père”. C’est ce Père parfait en amour que nous donne à voir la parole de Jésus.
François Bessonnet, prêtre et bibliste
@au large biblique