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Un récit tout en contrastes
“La parabole de Lazare et du mauvais riche est un discours bâti tout en contraste. Les discours en contraste sont sans doute une manière très juive, très rabbinique, de prêcher (du moins, la Bible nous en donne de maints exemples 3). Clairs, simples, ils ont l’avantage de frapper l’imaginaire, de faire assimiler aisément la leçon. Parce que l’auditeur qui entend le discours en contraste, doit obligatoirement dans sa tête se ranger d’un côté ou de l’autre. Par contre, ces discours possèdent le défaut de leur qualité : ils ne font pas dans la nuance. Rarement, la situation d’un homme est toute blanche ou toute noire, les discours en contraste éclipsent, au profit de l’efficacité, les nuances de gris dont la vie est souvent teintée.
… contrastes ici-bas
Quels sont les contrastes de notre récit? Luc, dans son génie inégalé de raconteur, ne saurait dépeindre situations plus opposées que celles de ces deux hommes. D’un côté, un homme riche, couvert de vêtements de luxe et repus, chaque jour, de festins somptueux; de l’autre, un pauvre, Lazare, couvert de ses plaies, qui, non seulement voudrait bien manger ce qui tombe de la table du riche, mais qui, en quelque sorte, « est mangé » par les chiens qui lui lèchent les plaies! Quand on connaît la répugnance que la Bible a pour cet animal, c’est dire que Lazare est au plus bas de la misère humaine. Remarquez aussi que le pauvre porte un nom, et un nom significatif 4, lui conférant une dignité qui fait défaut au riche qui, lui, reste anonyme. Détail éloquent qui trahit, chez le Jésus de Luc, son option préférentielle pour les pauvres et annonce le retournement des situations dans le Royaume de Dieu. Les deux hommes ne sont égaux que devant la mort qui advient. Pourtant leurs manières de passer « de l’autre côté » contrastent encore.
…contrastes dans l’au-delà
“Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra.”
Lazare, ne possédant rien sur terre, est « élevé »; le riche, si attaché durant sa vie aux biens matériels, est « descendu », restant symboliquement lié à la terre. Leur sort, au séjour des morts, se trouve inversé : le fortuné terrestre est en proie à la souffrance, l’infortuné terrestre jouit du bonheur des justes auprès d’Abraham 5.
L’urgence de la conversion
“Alors il cria : ‘Abraham, mon père, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise.”
Contrairement à ce que laissait présager le début de la parabole, au séjour des morts, le riche connaît Lazare, le voit enfin et l’appelle par son nom, alors qu’il n’en avait cure lorsque ce dernier gisait, affamé et malade, devant son portail. Luc, en fin raconteur, pousse l’odieux jusqu’à l’extrême, car si Lazare se met soudain à exister pour le riche, ce n’est que pour tenter de le mettre à son service, soulignant encore plus l’égoïsme coupable du riche tourmenté. Mais un abîme infranchissable les sépare définitivement. Notez que ce « fossé » entre Lazare et le riche existait déjà : sur terre, il aurait été franchissable, si le riche avait voulu faire des pas vers son frère. Au séjour des morts, ce fossé, creusé par le riche lui-même, est devenu définitif et irrévocable. On rejoint, par cette image, une idée chère à l’Évangile de Luc, à savoir celle de l’urgence de la conversion, pendant qu’il en est encore temps.
“Abraham répondit : ‘S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.”
La pointe de la parabole réside dans sa finale. À la demande du riche d’envoyer Lazare « ressuscité » dans la maison de ses frères pour les « convertir », Abraham enjoint, non sans ironie, de prendre au sérieux la Parole de Dieu – dans laquelle, bien avant l’Évangile, on entend résonner les appels au partage avec les plus pauvres – au lieu d’attendre des signes extraordinaires. Il est vrai que le signe extraordinaire ne convainc pas nécessairement les cœurs : le signe spectaculaire d’une résurrection d’un certain « Lazare » dans l’évangile de Jean, loin de convertir tout le monde, accélérera plutôt la mort de Jésus (lire Jn 11,45-53). Et la résurrection, encore plus glorieuse, de Jésus n’a pas encore, à ce jour, converti l’ensemble de l’humanité – ou nous-mêmes, chrétiens – à pratiquer la fraternité universelle et le partage des richesses! À bon entendeur d’Abraham, salut!”
Patrice Bergeron, prêtre Bibliste Montréal.
Interbible – 26 septembre 2010
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Catégories: Lectio Divina, Lu ailleurs | 25/09/2016
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« En quoi consiste, à proprement parler, l’habileté du régisseur hué par son maître et que Jésus lui-même propose à notre imitation ? Nous pourrions caractériser cette habileté par son aptitude à tirer profit de toute occasion.
Quand il était régisseur, il a tiré de son emploi un profit, injuste assurément et, maintenant qu’on lui retire son emploi, il fait encore une fois son profit de cette affaire qui est pourtant l’exact opposé de sa vie antérieure.
Tant qu’il était régisseur, il lui aurait peut-être été désavantageux de diminuer les dettes. Il exploite maintenant cette occasion de façon toute différente de ce qu’il pouvait faire auparavant. Il est un homme habile qui utilise toutes les occasions à son propre avantage et c’est ce qui définit son habileté. C’est une habileté terrestre et vulgaire, mais le Seigneur nous enseigne par-là l’habileté céleste que nous devons avoir…
Quand on garde vraiment son cœur ouvert à Dieu et disponible, il n’existe pas de circonstances dans la vie que nous ne puissions pas accepter comme une grâce et une bénédiction. »*
Karl Rahner
* Karl Rahner « homélies bibliques », Salvator 1967
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Catégories: Lu ailleurs | 18/09/2016
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Préparer l’avenir avec réalisme, audace et espérance, est un grand acte de prudence et de sagesse pour vivre le présent.
“Une habilité terrestre“. “Ce maître qui renvoya son intendant, le loua de ce qu’il avait su pour lui-même penser à l’avenir.” (St Augustin)…
L’intendant n’est pas loué pour son injustice mais pour sa prudence. Il a sacrifié le présent à l’avenir. Un choix peu banal aux yeux de son maître et pour cela digne de louange.
“Une habilité céleste” (K.Rahner). “Si l’habileté de cet homme qui ne reculait pas devant la fraude a pu être admirée par son maître, combien plus seront agréables à Dieu ceux qui les accomplissent leurs oeuvres de miséricorde en suivant de tout point les volontés de Dieu” (St Augustin)
“Quand on garde son coeur vraiment ouvert à Dieu et disponible,
il n’existe pas de circonstances dans la vie
que nous ne puissions pas accepter
comme une grâce et une bénédiction.”
(K.Ranher)
Par ses commandements, le Seigneur nous parle et nous invite à vivre : le discernement, le détachement, la générosité, la responsabilité en tous nos actes qui doivent découler de notre adhésion à sa Parole.
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Catégories: Méditations | 18/09/2016
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“Son père l’aperçut et fut saisi de pitié;
il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers…
Mon fil que voilà était mort, et il est est revenu à la vie;
il était perdu, et il est retrouvé…”
(Luc 15,20,24)
La mesure de tout Amour
Est une attente SANS mesure.
Qui attend est sans le savoir, infiniment proche
pourvu que son attente ne se relâche pas.
Qui attend est déjà visité par l’Absent
dont l’attente le consume.
Qui attend reçoit pouvoir de l’ardeur qui l’habite,
de la patience qu’il épouse :
il exorcise l’usure du temps.
Qi attend reçoit pouvoir de toutes les audaces,
de tous les courages : il tient tête à la mort.
Le feu qui le consume,
personne ne l’éteindra.
Nous sommes tellement plus forts, plus vulnérables,
tellement plus vrais, tellement pus libres,
dans l’attente que dans la possession.
L’étreinte elle-même est attente immobile et fervente,
de ce que rien, ni personne, ne saurait nous ravir.
L’attente nous féconde,
la possession nous tue.
ATTENDONS-NOUS les uns les autres,
ATTENDONS-NOUS les uns aux autres
à chaque instant, à chaque carrefour,
à chaque surprise, à chaque opacité du cœur
et jusqu’au long des heures longues
comme un jour sans pain.
Attendons-nous A Lui, attendons-nous DE Lui
car il est là qui nous attend.
Il est là..
Il est là près de toi,
dans la patience attentive de ton cœur.
Il est à, près de toi,
dans l’impatience désirante de ton cœur,
Il est à, près de toi,
dans l’attente méconnue et martyre de ton cœur.
Paul Beaudiquey
Ed du Cerf 1998 p:128-129
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Catégories: Lu ailleurs, Méditations | 11/09/2016
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Bâtir une tour…
“Il ne s’agit pas de poser une pierre
mais tout un vaste ensemble de pierres
qui nous représentent
les commandements de Dieu”
(St Grégoire de Nysse)
“Le fondement que nous devons nécessairement donner à notre édifice, c’est celui qu’indiquait l’Apôtre, c’est Jésus-Christ.
Il faut vouloir suivre Jésus-Christ mais il faut le suivre jusqu’au bout; car autrement on n’aurait que des vertus incomplètes, tronquées; et l’on serait semblable à ces disciples de Jésus qui, l’ayant suivi quelques temps, ensuite le quittèrent, qui reculèrent, dit l’Evangéliste (Jn 6,67).” (Théophylacte)
Il ne suffit pas de porter sa croix, il faut suivre le Sauveur. Voilà ce qui donne au renoncement son but et sa mesure. Et le renoncement nous est nécessaire pour nous maintenir dans la vérité de la vie chrétienne. Il doit être effectif.
“Jésus qui nous a donné l’exemple
de la piété filiale,
nous a donné aussi l’exemple
du renoncement qu’il nous a prêché:
pour nous, quand il l’a fallu,
il a renoncé à sa mère et à ses proches.”
(St Ambroise)
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Catégories: Méditations | 4/09/2016