De Teilhard de Chardin
Mon Univers, 25 mars 1924 in «OEuvres complètes», Seuil, Paris 1965, t. 9, pp. 90-92.
« Le Christ, d’abord, a éprouvé en lui le coeur humain individuel, celui qui fait notre torture et notre joie. Mais, en lui, il n’y a pas seulement un homme, – il y avait l’Homme ; non pas seulement l’Homme parfait, l’Homme idéal, – mais l’Homme total, celui qui rassemblait, au fond de sa conscience, la conscience de tous les hommes. A ce titre, il a dû passer par une expérience de l’universel.
Essayons de réunir en un seul Océan la masse de passions, d’attentes, de craintes, de peines, de bonheur, dont chaque homme représente une goutte. C’est dans cette mer immense que le Christ s’est plongé, jusqu’à l’absorber, par tous ses pores, tout entière. C’est cette mer tumultueuse qu’il a dérivée dans son coeur puissant, jusqu’à ce qu’il en ait dompté les vagues et les marées au rythme de sa vie à lui. – Voilà le sens de la vie ardente du Christ bienfaisant et priant.
Voilà le secret inabordable de son agonie. Et voilà aussi la vertu incomparable de sa mort en Croix. (…) Et alors le Christ est ressuscité. – La Résurrection (…) est un «tremendous» événement cosmique. Elle marque la prise de possession effective, par le Christ, de ses fonctions de Centre universel. Jusque-là, il était partout comme une âme qui péniblement rassemble ses éléments embryonnaires. Maintenant il rayonne sur tout l’Univers comme une conscience et une activité maîtresses d’elles-mêmes.»