“Car Je est un autre”
Arthur Rimbaud – La lettre du voyant
Zundel commenta cette parole lors d’une conférence en octobre 1974:
« Le poète dans la pensée de Rimbaud, si je ne me trompe, le poète doit s’ouvrir à tout l’univers et être l’écho de tout cet univers et ne pas reposer seulement sur son moi individuel. C’est dans la mesure où il symbolise tout l’univers qu’il est un poète .
Donc ici, l’autre, pour Rimbaud, c’est tout l’univers. Il ne le personnalise pas en Dieu, n’est-ce pas ? Enfin c’est déjà une immense ouverture. Et puis, le mot lui-même a une telle puissance dans ce raccourci : « Je est un autre. » C’est évidemment faire exploser les limites du moi individuel en le plongeant dans un moi universel qu’il restera à préciser.
Est-ce qu’on pourrait dire alors aussi bien : « Je est les autres » ?
Non pas « je est les autres », parce que « je est les autres », on peut le dire à condition que dans les autres il y ait l’Autre majuscule, parce que les autres, au niveau de la biologie, sont de la même infirmité que moi-même, et ils n’ont pas plus en eux le fondement de leur dignité que moi.
Je puis … dans un homme déchu, je puis lire la dignité humaine comme une promesse, comme un espoir mais dans sa déchéance, ce n’est pas sa déchéance, c’est sa dignité, mais c’est ce qui peut compenser cette déchéance, la transfigurer par l’avènement d’une présence qui est la même en tous et en chacun, qui fait que tous et chacun ont la même racine et sont un, comme le dit St Paul : « Il n’y a plus ni homme, ni femme, ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre : vous êtes tous un dans le Christ », comme une seule personne : les autres entrent en nous par l’Autre divin qui les habite comme nous-mêmes et qui nous fait « un » véritablement.
C’est parce que nous sommes tous les porteurs du même infini et que la même valeur nous est confiée à tous que nous sommes universels. L’universel, c’est justement l’humain qui porte le bien commun de tous en lui-même parce qu’il porte cet infini, il le vit et il en porte la contagion du fait qu’il le vit.
« Avec Maurice Zundel, Mes heures étoilées »
de Bernard de Boissière –
Ed Salvator p :179-180
-
[:fr]
[:]
-
-
-
-
-
Categories
-
Liens
Archives
-