Le bien est par essence discret. La destruction s’accompagne de fracas.
Quel son rend le pétale qui, au matin, se défroisse lentement ? C’est un fin bruissement d’air. Presque rien.
Mais qui se fait une oreille pour l’entendre, qui voit le travail discret mais non moins réel de l’Esprit dans la Création, qui parvient à ressentir avec quelle habileté l’Esprit dompte la matière, celui-là voit soudain ce qu’il y a sur terre de beauté, de bonté, de force et de vie.
La haine qu’on surmonte, le cœur qui s’ouvre, l’aveu de faiblesse comme cet aveu qui nous confie à l’autre, le baiser qui remet à la nuit, le signe de vie, la petite attention pour dire qu’on pense à l’autre, la chanson qui émeut jusqu’aux larmes : n’y aurait-il eu qu’une fois tel ou tel instant de grâce, le monde n’aurait pas été vain.
Mais c’est à l’infini que ces gestes sont faits, comme une véritable chorégraphie, comme « cet hymne de silence » dont parle Grégoire de Naziance dans sa célèbre prière.
Un effort secret soutien le monde et l’empêche, à chaque instant, de sombrer dans l’abîme de la haine et de la violence. C’est inaudible pour notre désir, car le désir, par essence, veut que le monde soit autre qu’il n’est. Il veut l’ordonner à lui et agir en ce sens.
C’est inaudible mais il faut le lui dire : le monde est déjà justifié. Saturé de joie, de beauté et de saveur, il est depuis longtemps la victoire de la vie sur la mort, de l’être sur le néant, du sens sur le non-sens.
Tout ce que nous vivons aujourd’hui, c’est comme un surcroît qu’il nous est donné de la vivre : notre souci et notre affairement n’y changeront rien. En mille de ses points, le monde a trouvé de quoi le justifier.
Au désir, toujours impatient de faire, de prendre et de ne rien perdre, il faut donc répéter ces mots de Jésus sur la croix : « Tout est accompli ». Il n’y a plus qu’à célébrer.
“Petit traité de la Joie”
de Martin Steffens – p:81-83
Ed SaLvator – 2011
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