Ce fils perdu et retrouvé
« C’est en contemplant le retour du Prodigue peint par Rembrandt
que j’entends le mieux la parabole,
que j’entre plus avant dans les chemins de la miséricorde,
que je me laisse réconcilier avec Dieu.
L’angoisse qui dénude
féconde aussi l’absence
et fait mon ter son cri
aux accomplis d’un chant.
Je regarde le Père.
Un visage d’aveugle ;
il s’est usé les yeux
à son métier de Père.
Scruter la route obstinément déserte,
guetter du même regard
l’improbable retour.
sans compter toutes les larmes furtives :
il arrive qu’on soit seul.
Oui, c’est bien lui, le Père,
qui a pleuré le plus.
Si c’était lui le vrai « prodigue » !
Je regarde le Fils.
Une nuque de bagnard
et cette voile informe dont s’enclôt son épave.
Des plis froissés où s’arc-boute
et vibre encore le grand vent des tempêtes.
Des talons rabotés comme une coque de galion sur l’arête des récifs,
cicatrices à vau-l’eau de toutes les errances.
Le naufragé s’attend au juge :
« Traite-moi, dit-il comme le dernier de ceux de ta maison… »
Il ne sait pas qu’aux yeux d’un Père comme Celui-là,
le dernier des derniers est le premier de tous…
Paul Baudiquez – Pleins signes – p :115-116
Ed Cerf