“Misera et misericordia”
Jésus s’était baissé, et, du doigt, il traçait des traits sur le sol…
De quelque façon que l’on interprète ce geste, il a pour effet d’insécuriser les «scribes» en les renvoyant à leur nature terrienne : eux aussi sont tirés de la «glaise», avec les mêmes pulsions, les mêmes désirs.
C’est leur propre vérité que Jésus dessine sur le sol devenu miroir de leur âme. Mais ils se refusent à regarder ce miroir, à se laisser insécuriser, et continuent à questionner avec obstination.
Jésus se redresse, les regarde, les affronte et prononce la phrase qui les atteint tous au cœur: «que celui qui n’a jamais commis de faute jette sur elle la première pierre » (8,7).
D’une seule phrase brève, il donne une réponse créative à tout le discours des pharisiens ; une phrase empreinte de souveraineté, où parlent sa sagesse, sa douceur et sa miséricorde. L’ayant prononcée, il se baisse à nouveau et abandonne chacun à sa propre conscience ; il ne s’impose pas.
Et voilà qu’ils s’en vont, l’un après l’autre; les plus vieux sont aussi les plus sages, ils savent bien qu’au cours de leur longue vie, ils ne sont pas restés sans péché….
Il reste seul avec la pécheresse. Saint Augustin dit à ce propos : « deux sont restés : misera et misericordia » – la misérable et le cœur qui aime les misérables. Jésus « la tire de son embarras et de son insécurité en ne posant même pas la question de la faute ; il ne dit pas un mot de l’accusation, il renvoie seulement au comportement des accusateurs» . Il renonce à pousser la femme à l’aveu de sa faute ; au contraire, il la questionne à leur sujet : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? » (8,10).
On croit sentir la pierre qu’il ôte du cœur de la femme, quand elle répond : « Personne, seigneur » (8,11). Jésus lui pardonne et l’encourage : «Eh bien moi non plus, je ne te condamne pas. Va, ne sois plus infidèle désormais » (8,11). Il ne l’excuse pas; il lui pardonne et lui fait confiance pour qu’elle mène une vie plus conforme à sa dignité, entrevue jusque dans son péché.
Vivre autrement, elle en est capable ; il ne la force pas à se repentir, à renoncer à l’estime de soi en l’accablant sous le poids de son péché ; au contraire, il lui donne la confiance et l’assurance pour l’avenir, la liberté en vue d’une vie nouvelle.
Père Anselme Grün -osb –