En vérité, l’ascension de Jésus au ciel, cet événement inénarrable avec nos mots capables seulement de raconter des faits humains, n’a pas été un arrachement ni la conclusion d’une aventure, celle de la vie de Jésus. En effet, lorsqu’on lit avec intelligence les récits de l’Ascension, on n’y trouve pas le récit d’un « adieu », mais bien plutôt un envoi des disciples, une mission depuis Jérusalem jusqu’aux extrémités du monde. Les disciples, allant dans le monde, proclameront l’Évangile à toute créature (voir Mc 16, 15) et feront avant tout l’expérience de la proximité, de la présence de Jésus ; ils seront même conscients de n’être que des hommes et des femmes au service de la mission de Jésus, l’envoyé du Père. Le Christ est élevé auprès de Dieu pour mener son œuvre à son terme, afin de pouvoir intercéder en faveur des hommes, parmi lesquels et avec lesquels il a habité sur la terre, en tant que vrai homme, durant près de trente-sept ans.
Ainsi, désormais, un rapport nouveau lie Dieu et l’humanité : cette séparation entre le ciel et la terre, entre le Créateur et la créature est devenue communion grâce à Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu. « Les cieux sont les cieux du Seigneur, la terre, il l’a donnée aux hommes », chantait le psalmiste (Ps 115, 16) ; mais ces deux réalités sont maintenant conjointes en Jésus Christ : lui, en effet, est descendu du ciel sur la terre ; il était « de la condition de Dieu » (Ph 2,6) et s’est revêtu de chair humaine et mortelle (voir Jn 1, 14) ; dans cette réalité humaine, comprenant le corps, l’âme et l’esprit, il a souffert jusqu’à la mort ; il est ressuscité et, dans la chair, il est monté au ciel. Désormais, « à la droite du Père », c’est-à-dire dans l’intimité de la vie de Dieu, il y a un corps d’homme, parce qu’en Christ les cieux sont descendus sur la terre et la terre est montée au ciel. Vraiment, Jésus a été tout à la fois Fils de Dieu et Fils de l’homme, capable d’être pour nous, les hommes, l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous.
L’évangile de Matthieu, qui s’était précisément ouvert sur l’annonce de la venue de l’Emmanuel, du Dieu-avec-nous (voir Mt 1,22-23), du Dieu qui vient à travers Jésus, se referme maintenant sur les paroles qui assurent que cette présence de Dieu parmi les hommes continue : « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). L’Ascension est donc une autre manière de saisir la victoire de Jésus sur la mort, qui nous permet de discerner Jésus auprès du Père et pourtant toujours parmi nous.
Et pour nous, les hommes, il y a désormais en Dieu un corps d’homme transfiguré et glorifié, un corps d’homme divinisé, dans lequel la mort a été vaincue et, avec elle, tout pouvoir du mal : désormais – s’exclame l’apôtre Paul – « qui accusera les élus de Dieu ? Qui condamnera ? Le Christ Jésus, celui qui est mort, bien plus, qui est ressuscité, lui qui est à la droite de Dieu et qui intercède pour nous ? » (Rm 8,33-34.
Présence réelle dans l’absence physique, relation dans la distance : voilà le sens de l’Ascension, qui appelle les chrétiens à cheminer « à la lumière de la foi et non de la vision » (2 Co 5, 7), en développant la sensibilité de la foi, les « sens spirituels », à savoir la capacité du cœur humain à voir, à écouter, à toucher, à goûter, à sentir. Le Christ est auprès de Dieu et à la fois présent parmi les hommes et dans l’histoire ; confesser ce mystère nous enseigne l’« au-delà » de l’autre : le visage de l’autre, irréductiblement sien, évoque un mystère de transcendance ; il invite au respect ainsi qu’à la communion.
L’Ascension conteste toute voracité et tout désir de possession, tant dans la relation avec Dieu que dans les relations humaines : vraiment, c’est un grand magistère de liberté !
Enzo BIANCHI – Donner sens au temps
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