Du donné au don
La Trinité veut dire qu’en Dieu l’amour tend vers l’autre. Et ce qu’on appelle les personnes en Dieu, ce sont justement ces relations, cette symphonie de relations par quoi la divinité se désapproprie totalement d’elle-même, le Père n’étant qu’un regard vers le Fils et le Fils vers le Père, qui sont une pure aspiration d’amour vers l’Esprit Saint, qui est une respiration d’amour vers le Père et le Fils…
C’est dans ce concert de relations que jaillit la musique divine. Et sous cet aspect, on peut dire que la révélation de la Trinité nous délivre de Dieu, au sens d’un Dieu qui nous surplomberait en nous dominant et en enfermant notre destin dans ses décrets. Mais dés l’abord, dés qu’on l’on énonce cette révélation, dés qu’on en prend conscience comme d’une pauvreté, comme un dépouillement, comme d’une humilité, comme d’une innocence, comme d’une enfance éternelle, notre expérience en est magnifiquement vivifiée, parce que nous comprenons que c’est dans cette direction, en effet, qu’elle s’accomplit pour être l’imitation même de Dieu.
Notre humilité n’est pas un aplatissement, une dévalorisation. Notre humilité, c’est simplement l’envers de l’amour. L’amour ne peut être authentique qu’en se quittant lui-même. Il ne peut être authentique qu’en passant du donné au don. Il ne peut être authentique que s’il est libération, s’il est accueil, s’il est espace, s’il est ouverture. Et c’est cela Dieu. Un autre Dieu, finalement. Un autre Dieu que ce Dieu que l’on obtient par voie de causalité, comme premier anneau, le premier chaînon auquel tout est suspendu ; un Dieu immédiatement intérieur, le Dieu de la vie de l’Esprit, le Dieu qui nous rend à nous-mêmes…
Et la création, en effet, va prendre un autre aspect : la création ne sera plus le geste d’une toute-puissance non engagée, d’une toute-puissance qui se divertit en créant des êtres dont elle n’a pas besoin et en les soumettant à des épreuves auxquelles elle est étrangère, en les exposant à des dangers qu’elle ne court pas. La création ne peut être que le débordement de ce dépouillement, de cette pauvreté, de cette désappropriation, de cet amour infini.
M.Zundel – Au miroir de l’Evangile Ed A.Sigier p :13
« L’amour est la meilleure source
de la connaissance
des choses célestes. »
St Grégoire