Voyages et souvenirs – 9
Je crois qu’il faut réaliser que pour partir, il est primordial de bien connaitre le point de départ. Or, ma terre catalane, ma terre familiale, ma terre colorée et dominée par le Canigou et par ses plages de sable, ma terre méditerranéenne, les montagnes Pyrénées, c’est bien cela le point de départ de ce que seront ensuite mes voyages à travers le monde.
Qu’est- ce que je retiens de tous ces voyages ? Chacun d’eux-je crois- n’était pas autre chose que des voyages faits pour révéler à tous ceux que je rencontrais une nouvelle formidable : « Dieu t’aime »
J’ai vécu tous ces voyages comme on découvre des perles, parfois avec aussi difficultés et fatigues ; mais j’ai toujours compris que c’était la route qui m’était offerte pour vivre et pour laisser s’exprimer toutes les possibilités d’une vie donnée , dans la complexité d’une vie communautaire avec d’autres pour tisser ensemble un tissu où éclate l’évangile et la présence du Ressuscité…
Pourtant, ce que je retiens de cette relecture des grands voyages, ce n’est pas une question de volonté ou de service mais bien plutôt une question d’un goût de la vie, j’oserai même dire une passion et un émerveillement pour ce qui est vivant. Avec l’âge, je perçois cela comme une force intérieure qui me tient debout, au-delà des difficultés corporelles et qui me permet de vibrer à tout ce qui est chemin de la vie.
Je crois que comme Jean le Baptiste, j’ai à accepter la modestie de ces pèlerinages d’une communauté Sainte Famille à une autre. Il est sûr que j’ai voulu témoigner de l’essentiel de toute vie et je l’ai fait sans histoire, en aimant cette mission et en essayant d’être vraie, en voulant écouter et appuyer le témoignage des sœurs sur place. Je n’ai jamais voulu majorer mon action personnelle mais l’insérer dans le témoignage des autres, comme membre d’une famille spirituelle qui est devenue ‘ ma famille’.
Je remercie Dieu et aussi les responsables de ma congrégation qui ont su me faire confiance.. pour que je puisse donner le meilleur de moi-même.. et devenir « proche » de tellement de personnes.
J’ai dit je crois que j’étais en voyage, je crois plus juste de dire que plus que des voyages, mes itinéraires d’un continent à un autre, c’étaient des pèlerinages… Ces longues pérégrinations plusieurs fois répétées ont confirmé en moi la mission à laquelle j’ai été appelée : veiller à ce que le désir de Dieu sur toute personne ne soit pas étouffé par des réponses toutes faites, fussent-elles pieuses.
J’ai tout fait pour aider les autres à découvrir, s’il le souhaitait, le secret de leur vie. C’est ce que j’avais noté, à Manrèse, lors d’une retraite en écrivant ce texte « Les pierres ont leur secret ! »:
Les pierres ont leur secret !
Des pierres ordinaires sur lesquelles nous marchons
Des gens ordinaires avec qui nous avançons.
Or, ces pierres et ces gens ont leur secret
J’ai ramassé une pierre, une autre,
chacune a sa couleur, sa teinte, sa particularité.
Là, sous nos pas, dans la forêt
chaque pierre parle de la lente évolution de la terre.
De même, pour cette foule de gens que je côtoie,
en ville, dans le bus, le métro, dans chacun de mes voyages.
Chacun est unique, chacun a son secret.
Toute une histoire, celle de l’humanité
Manrèse – Paris Juillet 1993 et relu en 2013