Ce jardin de mon enfance
« Ce jardin de mon enfance, il me revient en mémoire avec ses fleurs – des pensées, des tulipes, des géraniums de toutes les couleurs, avec des iris bleus. Il y avait aussi des salades et des tomates qui murissaient lentement et qu’il fallait attacher délicatement aux bâtons de roseaux plantés en terre comme des piques bien droites. Il y avait aussi des sillons de pommes de terre que j’ai vu mettre en terre une à une, avec grand soin, comme on prend soin de la vie.
Ces pommes de terre je me rappelle de mon père et de ma mère, les récoltant à brassées et avec une bien grande attention pour que la pelle-bêche ne les blesse pas lorsque on les dégage de la terre noire… c’était une sorte de multiplication de la vie…
Le jardin de mon enfance, c’était cela : l’attention à la vie, à la nature, à la joi ; et tout le jardin nous appartenait !
Le plus grand secret de ce jardin, c’est qu’il possédait des arbres vivants qui donnaient des fruits aux mille goûts… je me souviens des abricotiers, des poiriers, du pêcher.. Mais, tous ces arbres acceptaient d’être dépassés par un arbre unique qui, pour moi, symbolise tout le jardin : c’était le figuier.
Ah ! ce figuier ! Il était non seulement l’arbre fruitier aux fruits noirs succulents, mais il était aussi cet asile d’ombre et de fraîcheur pour les mois d’été : il connaissait tous mes secrets et dans ses branches, nous inventions des maisons, des domaines à ne franchir que si l’on montrait patte blanche.
Allez savoir tout ce que peut représenter un arbre pour une adolescente..
En tout cas, avec ma sœur, nous lui avions donné toutes une personnalité à cet arbre ! Je revois encore les magnifiques séances de confitures de figues, dans le chaudron de cuivre que mémé Rose préparait sous le figuier.
Avec le temps, mon frère plus jeune est entré lui aussi dans le mystère de l’arbre et je l’ai aperçu bien vite perché sur la branches les plus hautes et s’y cacher. Comme s’il était éternel, d’autres générations l’ont accueilli, même s’il n’en pouvait plus de vieillesse avec ses gros nœuds sur le tronc.
Plus tard, j’ai lu dans le livre saint, l’histoire de Nathanaël à qui le Christ dit « Je t’ai vu sous le figuier ! » et j’ai compris que, dans mon jardin, sous le figuier, moi aussi, j’avais fait une rencontre importante.
Le jardin de mon enfance, c’est aussi son banc, l’eau des sillons. Le jardin de mon enfance, il a changé, il changera encore.. Mais, dans mon souvenir, il est toujours réel, il suffit que je ferme les yeux et je le revois.. lieu de rêve et de jeux, lieu des grandes décisions, lieu de prière aussi pour celui de la famille qui choisissait ce cadre du jardin pour y rejoindre une Présence.
En pensée, je retourne souvent dans ce jardin pour y faire un tour.
Sr Andrée Gaspard – sfb