S’arrêter, regarder, écouter…
Pour pénétrer dans ce monde de la misère, il y a des étapes, il faut savoir s’arrêter devant le misérable, le regarder, I’écouter et finalement le toucher. II y a toute une gamme de nuances dans les attitudes à l’égard de la personne blessée,
Celui qui passe, comme le lévite el le prêtre, devant l’homme roué de coups, affalé par terre: il ne voit pas la détresse. Il ne ‘arrête pas.
Celui qui s’arrête devant le misérable, qui donne peut-être quelque chose, mais sans regarder le visage, sans rencontrer les yeux de l’autre.
Celui qui s’arrête et regarde le visage de l’autre mais il parle tout le temps, il dit ce qu’il faut faire … II n’écoute pas, il ne le touche pas.
Celui qui s’arrête, qui regarde le pauvre et qui n’a pas peur de lui parler et de l’écouter dans ses besoins profonds.
Celui qui s’arrête, qui regarde, qui écoute et qui n’a pas peur de s’engager et de toucher l’autre, de le prendre dans ses bras: il le porte dans l’espérance de le voir guérir et ressusciter.
Entre l’arrêt et le regard on peut encore reculer. Entre le regard et I’écoute, on peut encore fuir. Mais l’arrêt conduit normalement au regard, le regard à l’écoute et l’écoute au toucher…
La communion se réalise dans le toucher; et toute la compassion consiste à porter l’autre en soi, à le porter dans son cœur et dans ses bras.
Jean VANIER, Ouvre mes bras,
Paris, Fleurus, 1973, p.73-74