La question de Thomas « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » (14,5) use une fois encore du procédé stylistique du malentendu pour mieux nous montrer ce que sont la vraie vie et la voie qui y mène.
L’image du chemin parle au désir qu’a l’homme de s’orienter dans la confusion de ce monde, de trouver un sens là où il n’y en a pas. Les chemins qui s’offrent à nous restent nombreux aujourd’hui comme ils l’étaient en ce temps-là; il s’agit de trouver le bon. Jésus répond à la question de Thomas par la formule «Je suis», caractéristique de l’Évangile de Jean et rappelant la révélation de Dieu dans le buisson ardent.
Cette parole a, dans le service divin, une grande importance : elle montre que le Glorifié est présent dans la communauté. Huit fois, Jésus associe la formule à une image : «Je suis le bon berger, je suis le pain qui descend du ciel…»: ce sont les images archétypiques du désir d’une existence réussie. Présentes dans beaucoup de religions, elles expriment l’aspiration à la vraie vie. Que nous indique Jean par ces images mythiques dans toutes les religions et attribuées ici à Jésus ? « Vous n’avez pas besoin de chercher dans le gnosticisme ni dans la philosophie grecque ni dans les cultes à mystères, Jésus est l’accomplissement de toutes vos aspirations. »
Jésus est le chemin, nous n’avons nul besoin d’autre chose que lui, ni de la Loi, ni de méthodes spirituelles, ni d’un accroissement de la connaissance. Il est le chemin mystique qui mène à la lumière et à la compréhension, à la sagesse, à l’éveil de la conscience et à notre destination authentique. Il est à la fois le chemin et le but; en lui nous faisons l’expérience de Dieu en tant qu’il est la vie et la vérité, en lui il se révèle et nous voyons le Père. Regardant Jésus, écoutant sa Parole, nous sommes en route vers Dieu.
La foi n’est pas un bien que nous posséderions, elle est un chemin, un mouvement, une dynamique intérieure tournée vers Dieu et qui nous maintient en vie. Jésus est lui-même la vie, il fait surgir la possibilité d’une vie authentique reliant le ciel et la terre, Dieu et l’homme, le temps et l’éternité, car il est la réalité divine et nous fait participer à sa plénitude.
Il est aussi la vérité, mais il ne nous communique pas de belles maximes que nous pourrions emporter tranquillement avec nous ; il est la vérité non pas comme doctrine, mais comme «l’évidente réalité de Dieu » (Bultmann) . En lui est retiré le voile qui nous dissimulait Dieu et sa lumière.
Qui suit le chemin qu’est Jésus ne possède pas la vérité, il vit de la vérité, il vit vraiment, en contact avec le réel auquel il s’est éveillé, avec le monde tel qu’il est. Dans le visage de Jésus, il contemple la gloire de Dieu. Dans l’Ancien Testament, vérité signifie à la fois fidélité et fiabilité; en Jésus nous avons un point d’appui fiable, nous quittons le sol incertain de nos opinions, de nos représentations du réel. Nous sommes dans la vérité et la réalité de Dieu, et nous entrons en contact avec notre propre vérité, notre Soi.
Jésus affirme que nul ne parvient au Père sans passer par lui. Bien des chrétiens ont cru comprendre que seuls vont au ciel ceux qui professent la foi en Jésus, mais cette parole n’est pas si simple. Jésus affirme plutôt qu’en lui le Père se révèle dans toute sa vérité, mais cela n’exclut pas d’autres voies de salut, qui le préfigurent.
Jésus ne nous donne pas d’argument pour que nous nous placions au-dessus des autres ; il nous invite seulement à voir dans son visage, avec les yeux de la foi, la gloire divine, et à le présenter aux autres de telle façon qu’ils retrouvent en lui leur propre cheminement et la satisfaction de leur désir.
Anselm Grün
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