La vigne et le vigneron
“Il s’agit moins dans cette parabole des vignerons homicides (Mt. 21,33sq) de revenus, que de profonde déception. La déception de Dieu (si j’ose dire) c’est qu’on ne l’aime pas, c’est de n’être pas reconnu. Non seulement on n’a pas de reconnaissance pour lui, mais on veut purement et simplement l’exclure. Le premier exclu de la société, c’est Dieu. Et en son nom, on exclut les prophètes et les envoyés de Dieu, on exclut le Christ Jésus, le fils, le semblable, l’aimé. Il est exclu de la société parce qu’il gène, parce qu’il rappelle qu’il existe et qu’il a des droits, parce qu’il exige ce qui lui est dû. Il est exclu des cœurs, et c’est la pire exclusion. Les exclus, vous le savez, n’ont qu’un droit celui de se taire. Et Dieu en premier lieu.
N’est-elle pas extraordinaire cette parabole? Elle décrit merveilleusement toute l’histoire du salut, avec cette longue patience de Dieu qui rappelle sans cesse son existence, qui envoie prophètes et messagers, qui vient lui-même en personne et qui est rejeté, mis à mort.
Mais elle décrit aussi notre propre histoire, celle qu’il nous est donné de vivre, celle que nous voyons se dérouler sous nos yeux. L’homme se comporte dans le monde comme un propriétaire du monde. Il a réglé leur compte aux révélations et aux traditions religieuses. Il s’est débarrassé de ce qu’il appelle « le fatras des religions », il s’est instauré maître du monde et ne veut rendre de compte à personne. Il déclare avoir tué Dieu et il s’en vante. Il s’estime plus libre, parce qu’il est plus seul. Il a fondé sa liberté sur le vol et sur le meurtre. Voila notre situation.”
Fr Alain Quilici (OP)
Homélie du 6 octobre 1996