Quand Jésus se met en colère
L’évangéliste interprète
Le narrateur précise aussitôt à son lecteur la véritable interprétation de la Parole de Jésus : « Mais lui parlait du sanctuaire (Naos) de son corps. » Le véritable sanctuaire, c’est le corps de Jésus, crucifié et ressuscité le troisième jour.
C’est lui qui assure désormais le rôle que le Temple jouait dans le monde juif. L’évangéliste ajoute que cette lecture ne pouvait être faite qu’après la Résurrection de Jésus. C’est elle qui donne la clé de l’interprétation.
Un Évangile à lire et à interpréter !
Nous le comprenons bien : nous ne pouvons pas rester à une lecture au premier degré. Le problème à régler paraît simple : c’est la présence du commerce dans le Temple.
Premier déplacement : nous passons du commerce à sa signification pour la relation à Dieu. C’est le culte sous forme trafic qui est condamné par Jésus.
Deuxième déplacement : nous passons du sanctuaire, lieu de la présence invisible de Dieu, à la personne de Jésus-sanctuaire, véritable présence de Dieu.
Troisième déplacement : ce sanctuaire détruit et rebâti en trois jours, c’est Jésus mort et ressuscité. L’ensemble de la vie de Jésus n’est compréhensible qu’à la lumière de la fin.
Pourquoi ce récit au début de l’Évangile plutôt qu’au moment de la Passion ?
Dans les Évangiles synoptiques (les Évangiles de Marc, Matthieu et Luc), l’épisode de Jésus chassant les vendeurs du Temple se trouve situé juste avant la Passion. En situant cet épisode au début de son Évangile, l’évangéliste Jean en fait une ouverture sur le sens de la mission de Jésus et sur le mystère de sa personne. Dès son arrivée à Jérusalem, Jésus est présenté à la fois comme celui qui vient instaurer le culte véritable mais aussi comme étant lui-même l’unique sanctuaire par lequel on peut avoir accès à Dieu son Père. En filigrane, c’est la mort et la Résurrection de Jésus qui sont annoncées et seront perçues comme clé de lecture de toute sa vie par ses disciples. C’est à ce regard de foi que le récit évangélique nous invite.
François Brossier,
Professeur honoraire de l’Institut catholique de Paris