Foi et vision cosmologique
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Vendredi 1er janvier 2010
Celui qui sait reconnaître dans l’univers les reflets du visage invisible du Créateur, est amené à avoir un plus grand amour pour les créatures, une plus grande sensibilité pour leur valeur symbolique.
Le Livre des Psaumes est en particulier riche de témoignages de cette manière particulièrement humaine de se mettre en relation avec la nature: avec le ciel, la mer, les montagnes, les collines, les fleuves, les animaux… « Que tes œuvres sont nombreuses, Yahvé! — s’exclame le Psalmiste — / toutes avec sagesse tu les fis, la terre est emplie de ta richesse » (Ps 104/103, 24).
Il existe en effet un lien très étroit entre le respect de l’homme et la sauvegarde de la création. « Les devoirs vis-à-vis de l’environnement découlent des devoirs vis-à-vis de la personne considérée en elle-même, et en relation avec les autres » (ibid., 12).
Si l’homme se dégrade, s’il dégrade le milieu dans lequel il vit; si la culture tend vers un nihilisme, sinon théorique, du moins pratique, la nature ne pourra qu’en payer les conséquences.
En effet, on peut constater une influence réciproque entre le visage de l’homme et le « visage » de l’environnement: « Quand l’écologie humaine est respectée dans la société, l’écologie proprement dite en tire aussi avantage » (ibid.; cf. Enc. Caritas in veritate, n. 51).
Je renouvelle donc mon appel à investir dans l’éducation, en se proposant pour objectif, outre une transmission nécessaire de notions techniques et scientifiques, une «responsabilité écologique » plus vaste et approfondie, fondée sur le respect de l’homme et de ses droits et devoirs fondamentaux. Ce n’est qu’ainsi que l’engagement pour l’environnement peut devenir vraiment éducation à la paix et construction de la paix.
«Movebuntur omnia fundamenta terrae»
les fondements de la terre vacillent.
(Ps 81, 5),
Nous le voyons aujourd’hui, avec les problèmes climatiques, combien sont menacés les fondements de la terre, mais ils sont menacés par notre comportement. Les fondements extérieurs vacillent parce que vacillent les fondements intérieurs, les fondements moraux et religieux, la foi dont découle la droite manière de vivre.
Et nous savons que la foi est le fondement et, en définitive, les fondements de la terre ne peuvent vaciller si la foi, la vraie sagesse demeure ferme.
Et puis le Psaume dit: «Lève-Toi Seigneur, et juge la terre» (Ps 81, 8). Ainsi, disons, nous aussi, au Seigneur: «Lève-toi en ce moment, prends la terre entre tes mains, protège ton Eglise, protège l’humanité, protège la terre».
Et remettons-nous à nouveau à la Mère de Dieu, à Marie et prions: «Toi la grande croyante, toi qui as porté la terre au ciel, aide-nous, ouvre aujourd’hui encore les portes pour que soit victorieuse la vérité, la volonté de Dieu, qui est le vrai bien, le vrai salut du monde». Amen.
(Benoît XVI – Lundi 11 octobre 2010 )
La contemplation d’un ciel étoilé émerveille et questionne. Quelle place accorder à l’homme dans l’univers ? Poussière humaine mêlée aux poussières d’étoiles ? Et la planète terre ? L’équivalent d’une balle de tennis par rapport aux grappes de galaxies et aux espaces encore inconnus !
Les découvertes récentes mettent en évidence le « phénomène humain » dans un cosmos dont les limites ne cessent de reculer. Vides et froids, les espaces sidéraux paraissent hostiles à l’homme en quelque sorte égaré sur la seule planète offrant – à notre connaissance – les conditions de sa survie. Mais la terre qui le porte et le nourrit subit de plein fouet les conséquences de ses désirs insatiables, attitude prédatrice mettant en péril l’équilibre planétaire et la survie de l’écosystème.
La relation de l’homme au cosmos dépend à la fois de l’image qu’il s’en fait et de l’image qu’il se fait de lui-même. Qui est-il ? Où va-t-il ? Quel sens donner à la vie et au monde matériel ambiant ?
L’icône et le cosmos – un autre regard sur la création – Michel Quenot
“ Qu’est-ce que le cœur charitable?
demande Isaac le Syrien.
C’est un cœur qui s’enflamme d’amour pour la création tout entière… Celui dont le cœur est tel ne pourra se rappeler ou voir une créature sans que ses yeux se remplissent de larmes à cause de l’immense compassion qui le saisit…
C’est pourquoi cet homme ne cesse de prier… même pour les reptiles, mû par la pitié infinie qui s’éveille dans le cœur de ceux qui s’unissent à Dieu ” (Discours 81, 2).
« Tout ce qui m’entourait m’apparaissait
sous un aspect de beauté : …
tout priait, tout chantait
gloire à Dieu!
Je comprenais ainsi ce qu’on appelle
« la connaissance du langage de la création »
et je voyais comment il est possible
de converser avec les créatures de Dieu. »
(Le Pèlerin russe)
EGLISE ET COSMOS
Olivier Clément
Entre la première et la seconde venue du Seigneur, entre le Dieu-homme et le Dieu-univers, entre la modalité déchue de l’être et sa modalité transfigurée, il y a l’Église, comme “limite” et comme “passage”. Chaque chrétien, par sa communion aux choses saintes, c’est-à-dire à l’eucharistie, et dans la communion des saints, devient lui-même une vivante “limite”, où la mort passe dans la vie.
L’histoire cosmique de l’Église est l’histoire d’un enfantement, celui du cosmos comme corps de gloire de l’humanité déifiée. L’Église est la matrice divino-humaine où se tisse ce corps universel de l’homme nouveau, des hommes nouveaux : “La création tout entière… souffre les douleurs de l’enfantement… jusqu’au moment de sa régénération” (Ro 8, 20-22).
Les “mystères” de l’Église, c’est-à-dire les divers aspects de la vie de l’Église comme sacrement du Ressuscité, constituent le centre et le sens de la vie cosmique. Les choses n’existent que par les prières, les bénédictions, les transmutations de l’Église : “En tout cela, la matière auparavant morte et insensible transmet les grands miracles et reçoit en elle la force de Dieu.” (saint Grégoire de Nysse, PG 46, 581B). Tout culmine à la métamorphose eucharistique.
Pour saint Irénée, c’est toute la nature que nous offrons, afin qu’elle soit “eucharistiée”. Dans l’offrande, rappelle Cyrille de Jérusalem, “on fait mémoire du ciel, de la terre, de la mer, du soleil, de la lune et de toute la création…” (Catéchèses mystagogiques, V, 6).
Si les sucs montent de la terre, si l’eau décrit son cycle fécondant, si le ciel et la terre s’épousent dans le soleil et dans la pluie, si l’homme laboure, sème, moissonne et vendange, si le cellier tressaille d’un noir parfum, si le vieux grain meurt dans la terre et le grain nouveau sous la meule, c’est pour qu’enfin une nourriture apparaisse qui ne transmette que la vie, c’est pour qu’enfin l’œuvre de l’homme fasse de la chair de la terre un calice offert à l’Esprit.
Pour et parce que : de ce centre lumineux en effet, de ce peu de matière introduite à l’incandescence du Corps de gloire, le feu gagne jusqu’aux rochers et aux étoiles dont la substance est présente dans le pain et le vin, la sanctification eucharistique protège le monde, sature lentement d’éternité le cœur des choses, prépare la transformation du monde en eucharistie.
Ainsi l’Église apparaît comme le lieu spirituel où l’homme fait l’apprentissage d’une existence eucharistique et devient authentiquement prêtre et roi : par la liturgie, il découvre le monde transfiguré en Christ et désormais collabore à sa métamorphose définitive. La mission cosmique de l’Église se multiplie activement dans le monde par l’humble royauté de l’homme liturgique. L’homme sanctifié est un homme qui sanctifie.
PAR LA CRÉATION AU CRÉATEUR
par Mgr Kallistos Ware
«Ne blessez ni la terre, ni la mer, ni les arbres.»
(Ap 7, 3.)
«Les saints embrassent de leur amour le monde entier.»
St Silouane l’Athonite (+1938).
Sur la Sainte Montagne de l’Athos, les moines placent parfois des signaux en bordure des sentiers de la forêt, prodiguant au pèlerin qui chemine des encouragements ou des avertissements. Un de ces écriteaux, que l’on voyait souvent dans les années 1970, me procurait un plaisir particulier. Clair et laconique, il disait : “Aimez les arbres.”
Le père Amphiloque (+1970), le gerontas ou “ancien” de l’île de Patmos lors de mon premier séjour, aurait été complètement d’accord. Il disait : “Savez-vous que Dieu nous a donné un commandement de plus, qui n’est pas mentionné dans l’Écriture ? Il nous dit : “Aimez les arbres.”
Celui qui n’aime pas les arbres n’aime pas Dieu, croyait-il en soulignant : “Lorsque vous plantez un arbre, vous plantez de l’espoir, la paix, l’amour, et vous recevrez la bénédiction de Dieu.” Écologiste bien avant la mode de l’écologie, il avait coutume de donner pour pénitence aux fermiers locaux – qu’il entendait en confession – la tâche de planter un arbre. Le père Amphiloque n’était nullement le premier père spirituel dans la tradition grecque moderne à reconnaître l’importance des arbres.
Deux siècles plus tôt, le moine athonite saint Cosmas l’Étolien, martyrisé en 1779, plantait des arbres lorsqu’il voyageait dans toute la Grèce en tournée missionnaire. Dans l’une de ses ” prophéties “, il disait : “Les gens resteront pauvres, parce qu’ils n’aiment pas les arbres”.
Cette prophétie s’est, hélas ! réalisée dans de trop nombreuses parties du monde. Une autre parole lui est attribuée, pas à propos des arbres, mais tout aussi actuelle : “Le temps viendra où le diable se mettra lui-même dans une boîte et commencera à crier ; et ses cornes vont dépasser des toits de tuiles.”
Cela me revient souvent en mémoire, lorsque j’observe la ligne des toits à Londres, avec ses rangs serrés d’antennes de télévision.
“Aimer les arbres.” Mais pourquoi ? Y a-t-il vraiment un rapport entre l’amour des arbres et l’amour de Dieu ? Dans quelle mesure est-il vrai que le fait de ne pas respecter et honorer notre environnement naturel – les animaux, les arbres, la terre, le feu, l’air et l’eau – est aussi, d’une manière immédiate et destructrice pour l’âme, ne pas respecter et honorer le Dieu vivant ?
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Dans le Christ,
tout l’univers visible
a été fiancé à Dieu.
Dans le Christ
a été déposé au sein de l’humanité
ce ferment de libération
qui est le Christ Lui-même,
ce ferment de libération
qui demeure à jamais et qui nous est communiqué
sous l’espèce du pain et du vin
dans le Mystère eucharistique.
C’est là l’aboutissement de cet élan créateur
qui jaillit du cœur de Dieu
et qui atteint le fond même de l’univers.
C’est là l’aboutissement de cette trajectoire :
cette miette de pain, cette goutte de vin
où le Seigneur en personne
se communique.
M.Zundel
Ta Parole comme une source p:344 - Ed A.Sigier