Jean ne parle pas seulement de l’amour de Jésus pour nous, mais aussi du nôtre pour lui. Être chrétien, c’est établir une relation personnelle avec Jésus : thème typiquement johannique, que ne connaissent ni les synoptiques ni Paul. Ces versets 14,15-23 nous montrent ce que peut être concrètement une telle relation ; elle consiste à observer ses commandements et ses paroles, à entrer par la méditation dans son esprit pour devenir capables d’amour. Aimer Jésus, c’est vivre en plein éveil, marcher dans la lumière et donc vivre autrement, selon le commandement que Jean ne cesse de répéter : « Aimez-vous les uns les autres. »
II ne s’agit ni d’une simple exigence morale ni d’une affaire de volonté, mais d’un long cheminement: il nous faut prendre conscience de notre égocentrisme invétéré, lui ôter son pouvoir et atteindre en nous ce centre d’où l’amour peut couler. La Parole et l’exemple de Jésus ne nous transformeront pas seulement nous-mêmes, ils agiront aussi sur la société.
L’amour pour Jésus est la source de celui que nous avons les uns pour les autres. Pour que nous soyons en relation avec lui, il nous envoie son Esprit, le Paraclet. Seul Jean donne au Saint-Esprit ce nom grec, qui signifie le conseiller, l’intercesseur, le défenseur en justice. C’est l’esprit de vérité, qui écarte le voile et nous ouvre les yeux ; il nous assiste sur la voie de l’éveil, perpétue la présence de Jésus parmi nous, nous rend capables de l’aimer; c’est là le plus grand mystère de l’Esprit. «Si quelqu’un m’aime, il observera mes paroles, il sera aimé de mon Père et nous irons habiter en lui » (14,23).
C’est ainsi que s’accomplit notre relation personnelle à Jésus et, par lui, à Dieu. Jean ne nous dit rien sur la nature de la Trinité ; il nous invite seulement à méditer sur la réalité de Jésus, jusqu’à ce que nous sachions que, demeurant dans la gloire auprès du Père, il a établi aussi en nous, par l’Esprit, une demeure indestructible. Jésus ne nous laisse donc pas orphelins. Il est même plus présent encore ainsi que durant sa vie terrestre, car il demeure dans nos cœurs. S’il n’avait quitté ses disciples, ils auraient risqué de projeter leur Soi sur lui, et cessé de progresser sur le chemin de leur évolution ; sans lui, ils sont obligés de trouver en eux-mêmes leur Soi. Le Saint-Esprit les mène vers le Christ «qui demeure dans l’âme et dont ils ne pourront plus jamais être séparés » (Sanford 2, p. 157).
En nous quittant, Jésus approfondit la communion où nous pouvons être avec lui, il fait partie de notre être même, au plus profond. Il ne nous a pas laissés orphelins, comme par exemple Socrate ses disciples ; il vit, il est là, et sa résurrection nous fait déjà participer à cette vie divine que le monde ne voit ni ne comprend. La fête de Pâques signifie la présence de Jésus parmi nous, à travers la puissance vivifiante de l’Esprit, lui, l’avenir sans fin. La communauté en Dieu, à laquelle l’Esprit nous a introduits, n’est pas rompue par la mort, elle y accède au contraire à sa plénitude. Le cœur même du christianisme, pour Jean, c’est l’étonnant miracle de la venue de Dieu chez les hommes. Si les discours d’adieu sont centrés sur ce thème, c’est afin que le lecteur puisse sentir toujours plus que Dieu est en lui et qu’il est en Dieu. Jésus est le miracle de cette présence permanente de Dieu en l’homme, par la médiation du Paraclet ouvrant notre cœur afin que le Père et le Fils puissent y établir leur demeure ; nous pouvons alors accéder à notre vérité, à notre Soi, y être chez nous.
Anselme Grün
-
[:fr]
[:]
-
-
-
-
-
Categories
-
Liens
Archives
-